1. Billet d'Humeur
"La vigilance à l'épreuve de la crise"

Dans un contexte sanitaire complexe, nous assistons en parallèle à de fortes transformations du secteur social et médico-social : décentralisation, évolution des politiques publiques, les communautés 360, la transformation de l’offre, le plan de retour sur les départs en Belgique… ; mais aussi la vaccination, les protocoles, les gestes barrières, le confinement, le déconfinement, le couvre-feu, les variants…

Ainsi dans ce monde où la sémantique s’élargit au profit des crises et des conjonctures, nous sommes tous convoqués dans cette pandémie à cette notion de vigilance.

En effet, cette notion de vigilance pour les personnes polyhandicapées est au centre des préoccupations de chacun des professionnels de proximité dans nos organisations. Être vigilant, c’est se soucier de l’autre dans sa dimension la plus noble et humaine. Il s’agit de notre capacité à réagir face à l’imprévisible, face à une crise sanitaire, par exemple. Ainsi la vigilance peut être définie comme un comportement réactif mais aussi anticipatif… 

 
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Alors oui, nous les professionnels, sommes acteurs permanents et vigilants des personnes polyhandicapées qui vivent dans nos établissements et qui nous sont confiées par leurs familles.

Bien évidemment, nous ne savons pas tout de nos résidents mais nous pouvons déceler de quoi, petits et grands, peuvent avoir besoin si nous considérons d’abord le fait de savoir de qui l’on parle, si nous singularisons nos accompagnements, si nous qualifions chaque être comme étant unique et si nous postulons qu’aucune vie n’est minuscule.

Aujourd’hui, le traitement en masse de la personne polyhandicapée est noyé dans les différentes doctrines, recommandations, protocoles. L’adaptation a fait place à l’incertitude, l’incompréhension. Prenons l’exemple de la vaccination où, dans le secteur du handicap, les personnes vivant en FAM et en MAS sont seules éligibles.
Mais combien d’adultes sont encore résidents dans des établissements pour enfants, faute de réponses adaptées ? Combien de jeunes de plus de 20 ans ne bénéficieront pas de ce choix d’être vaccinés ou non sous prétexte qu’ils ne sont pas accueillis dans un établissement pour adultes et sont dès lors qualifiés « d’amendements Creton ».
Combien de temps cela va-t-il encore durer ? Combien de personnes polyhandicapées n’auront encore pas le choix de leur vaccin, de leur mode de vie ?

Alors oui, la question du choix est centrale, surtout là où il est nécessaire de rappeler encore et toujours que ce ne sont pas les personnes qu’il faut transformer mais bien l’offre, la possibilité de choisir son lieu et sa façon de vivre.

Être vigilant s’inscrit alors, à mon sens, dans cette préoccupation « du choix » de bénéficier du plateau technique d’un établissement à temps plein, à temps partiel, deux jours par semaine ou pour un accompagnement particulier. Le choix de ne pas être contraint à cette fameuse liste d’attente qui place les personnes en situation de handicap dans la catégorie des « sans solution ».

Mais aussi le choix pour les familles de pouvoir avoir des moments de répit, de travailler, d’avoir une vie sociale individuelle, de se retrouver ; le choix pour des fratries de pouvoir bénéficier d’un peu de temps parental, là où il n’est pas aisé de conjuguer les soins, les enfants et sa vie personnelle, voire professionnelle lorsqu’elle est possible, quand on doit s’occuper de son enfant polyhandicapé.

Avoir le choix devrait être un postulat de base. Mais pouvoir choisir une modalité d’accompagnement respectant la personne polyhandicapée et son entourage, c’est cela que je définis comme étant de la vigilance.
Alors oui, avoir le choix, ce n’est pas seulement bénéficier d’un service ambulatoire qui, au nom de l’inclusion, fortement rappelée, viendrait répondre à toutes les questions préalablement posées.

Je pense que nous, établissements, notre savoir-faire, nos histoires associatives, doivent évoluer mais aussi perdurer. Nous offrons par notre technicité cette garantie de la modularité et du plateau technique nécessaires à l’innovation ; laisser nos établissements ouverts, c’est laisser la possibilité aux aidants d’avoir du répit, de garantir soins, accompagnement et socialisation des personnes en situation de handicap.

Ne pas déconsidérer nos fonctionnements (je ne dis pas qu’ils ne doivent pas évoluer), c’est garantir aux personnes dont nous avons la responsabilité l’accès aux outils innovants justement, l’accès à la santé, à la protection, à la vaccination ! En effet toutes les familles ne peuvent s’offrir un instrument tel que le Bao Pao, pourtant essentiel en matière sensorielle, un orthophoniste ou une salle Snoezelen, toutes les familles ne peuvent avoir une balnéo à domicile, pourtant indispensable au regard des dispositions des personnes polyhandicapées. Et je pourrais vous citer des exemples à n’en plus finir.

La vigilance, qu’elle soit collective ou individuelle, je le dis de ma place de directeur général, mais aussi et surtout en tant qu’homme, c’est cette responsabilité que l’on a à l’égard de l’autre, le jeune, le résident, sa famille, les professionnels. C’est cette nécessaire force dynamique, si je dois revenir au début de mon propos, qui nous amène à ne pas rester figés devant ce qui est incompréhensible, à prévoir, à sécuriser, à manipuler et à aimer.
C’est bien évidemment garantir la sécurité, la dignité, les soins et l’éducatif dans chacun des établissements.
C’est évidemment important, très important, mais ce que j’ai compris c’est que la vigilance nous interpelle personnellement dans nos fonctions quelles qu’elles soient et…dans le monde que l’on a construit avec notre histoire, nos rencontres, nos familles, nos métiers, nos amis…

Ce n’est pas tous les jours simple d’être acteur de vigilance pour celui qui fait appliquer les principes de la vigilance, c’est parfois épuisant, contraignant, éprouvant, passionnant… mais surtout vivant et cela rend vivant.
C’est peut-être cela pour moi en un mot la vigilance, qu’elle soit collective ou individuelle, si l’on part du principe qu’être vigilant c’est avant tout se soucier de l’autre.

Alors dans ce monde un peu fou, prendre du temps en matière d’accompagnement des personnes polyhandicapées, ce n’est pas perdre son temps, mais c’est bien l’essence même de nos métiers dans une société où l’on veut tout, tout de suite, où l’accès à l’information, aux réseaux, aux moyens de communication, est immédiat, où nous sommes tous devenus impatients… peut être au détriment de la rencontre.

Alors non, prendre du temps, ce n’est pas perdre son temps mais c’est bien en gagner pour que la relation, vous savez celle entre les Hommes avec un grand H et non celle entre un homme et un protocole, soit … vivante.
 
                                                                                                                              Sébastien Legoff
                                                                                                                              Directeur Général de l’association Les Tout-Petits
                                                                                                                               Vice-Président du GPF
 
 
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