1. Billet d'Humeur
Mon petit Prince, tu es pour moi Unique au Monde

Nous sommes le 7 septembre 2023, tu es derrière moi Sacha, dans la voiture que nous avons adaptée rien que pour toi. Papa ne pourra pas rester, car après il devra retourner travailler, mais moi je reste là, avec toi, pendant ces 2 jours en réa. C’est en moto qu’il nous suivra, et même nous dépassera, car nous sommes coincés dans les bouchons.

Je m’évade dans mes pensées, au volant de cette voiture à l’arrêt ….

Ce n’est pas sans appréhension, qu’à l’hôpital nous allons. Depuis ce coup de fil en vacances, l’imagination est assez dense. Et oui ! Une nouvelle nous sera annoncée, les résultats génétiques sont arrivés ! Il se peut qu’ils aient enfin trouvé, mais le contraire peut aussi être annoncé. 
Billet_d_hum...
Cela fait plus de 6 ans que nous cherchons, que nous nous posons cette question : POURQUOI ? Pourquoi tu es comme ça mon précieux Sacha… Pourquoi ce polyhandicap te touche toi ?

C’est quoi le mieux ?

Ils ont trouvé. Le diagnostic est posé ! Au moins on saura quelle case cocher dans ces multitudes de dossiers, car c’est ainsi que fonctionne notre société. Le nom d’une maladie nous sera donné, le nombre de personnes atteintes sera précisé. Il s’agit d’une étude génétique à l’internationale, les chiffres auront une proportion mondiale. Cela nous aidera à savoir où l’on va, où nous n’irons pas.


Ou … Cela n’a rien donné et on ne saura jamais. N’est-ce pas mieux de ne pas savoir pour garder espoir ! de ne pas être responsable de ce handicap effroyable ! de ne pas savoir que ta vie sera courte, trop courte…

Mince ça n’avance toujours pas. On s’organise autrement. Papa vas-y, la généticienne nous attend, remettre ce rendez-vous : hors de question ! Nous devons obligatoirement être là tous les 3… il faut trouver une solution là !
Adaptons-nous à la situation, on a l’habitude de toutes façons !
J’ai trouvé : toi présent physiquement, moi en visio depuis la voiture avec Sacha derrière moi.
Peut-être qu’elle acceptera, croisons les doigts ! 

Yes ! Le rendez-vous n’est pas annulé, me voilà connectée ! Au volant de ma voiture, coincée dans les bouchons. Ce qui suivra je ne m’en souviens pas… 


Nous sommes le 8 septembre, je suis dans cette chambre. Tu dors contre moi mon petit Sacha, après une nuit agitée en Réa. Je m’évade dans mes pensées, les yeux gonflés.

Ça y est, le couperet est tombé, maintenant je sais ce que j’aurai aimé …
J’aurais aimé ne pas avoir ce gène en moi, qui explique tout ça…
J’aurais aimé que ce ne soit ni papa ni moi, mais juste une mutation qui ne s’explique pas…
J’aurais aimé ne pas être une maman, responsable du handicap de son enfant …
J’aurais aimé ne pas être mutilée, par ce sentiment de culpabilité, si écrasant, si étouffant.
Mon petit coeur, laisse-moi me ressaisir, ces larmes, cette fois, je ne sais les retenir.
Maintenant on sait… il faut continuer à avancer.
J’ai juste besoin d’une petite pause… car j’ai le souffle coupé …

L’annonce du diagnostic génétique de son enfant… ça pique ! Telle une piqûre de scorpion, la douleur vous fait perdre la raison.
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Je disais préférer entendre que ce soit moi plutôt que papa qui soit en cause dans tout ça, car je préfère souffrir, que voir souffrir… mais je ne pensais pas être choquée tant que ça ! J’ai ressenti les sensations physiques, avant qu’arrivent celles psychologiques.

Quand j’ai entendu « origine maternelle », je me suis retrouvée dans un tunnel virtuel flippant, pesant, déstabilisant. Je suis comme paralysée, je me demande ce qui s’est passé. C’est si brutal, ça fait tellement mal !

Le médecin a pourtant été très bienveillant, pour nous accompagner dans ce moment. Son approche a été délicate, son attitude très adéquate. Les mots choisis et délicatement prononcés m’ont pourtant fait perdre pieds.

 C’est une atteinte dans ma chair, c’est mon identité qui prend cher. Il s’agit d’une blessure narcissique intense, je le comprends, en retrouvant tous mes sens. Après l’effondrement, place à ce dévastateur sentiment. 
Je l’ai beaucoup ressenti, il fut un temps, mais j’avais réussi à le dépasser heureusement, celui de la culpabilité. Arf… te revoilà… tu ne m’as pas manqué ! 

« Donc tout ça, c’est à cause de moi… Mon corps a détruit… plutôt qu’il n’a construit…Ce sont 2 vies de bousillées, celle de Sacha et papa à tout jamais. Mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça. Je suis punie de quoi ? »

Cette mauvaise nouvelle m’a anéantie, elle marque la fin d’un temps de vie où la maladie était inconnue et les raisons du handicap pas sues. Même si cette annonce a été précédée d’investigations, d’examens pendant 6 années, cela n’a pas amorti le choc de la révélation qui chamboule toutes mes convictions.


Ça y est mon petit coeur tu te réveilles, comme chaque matin tu t’émerveilles ! Aujourd’hui est un nouveau départ, oui mon Sacha, tu le lis dans mon regard ! C’est une reconstruction avec de sacrées belles et solides fondations !
Nous sommes si bien entourés, tu es tellement aimé ! Ta prise en charge est parfaitement adaptée, tes besoins, on s’efforce de les combler. En fait tout ça ne change rien, Hein ! Allez, on y va, donne-moi la main.
Et au fait, mon petit Sacha, c’est la vie qu’on croque à pleines dents pas sa maman.

Nous sommes le 7 novembre Sacha, sur le retour de l’hôpital. On sourit à 2, mais j’ai mal. On chante à 2 mais j’ai mal. Toute seule je craque, car j’ai vraiment trop mal. Une fois de plus je plonge dans mes pensées…

Tu as été très fort une fois de plus, pas une seule aiguille non quatre fois plus. Je t’ai fortement enlacé, pour que tu évites de bouger. Je déteste sentir ton coeur s’emballer, voir tes larmes couler, le long de tes petites joues qui ne devraient recevoir que des bisous. Un rendez-vous complexe, mais les infirmières étaient d’une gentillesse, comme c’est important, dans ces difficiles moments !

Tu as été fort mon Sacha, je m’excuse de tout ça, dire que c’est ce gène qui vient moi, qui t’impose de subir tout ça. Ton handicap je l’ai accepté, crois-moi, mais en être responsable, je n'y arrive pas. La blessure de l’annonce ne cicatrise pas, elle brûle à l’intérieur de moi, chaque seconde je m’en mords les doigt. Pourquoi moi ? Pourquoi toi ? Excuse-moi.

Je suis bien entourée, heureusement. Mais que c’est dur psychologiquement… Accepte-t-on un jour cela ? l’avenir me le dira… Aujourd’hui je ne crois pas, c’est bien au-dessus de mes forces, crois moi ! 


Je te vois dans mon rétroviseur mon petit cœur. Le plus troublant dans tout ça, tu sais ce qu’est Sacha ?
C’est que la mutation de ce gène, fait de toi un être unique au monde, qui reflète de si belles ondes !
Tu illumines ce monde, merci mon petit coeur, ma tristesse retombe. 

 

Alice, Maman de Sacha
Présidente de l’association SA CHAnce
PAIR Formatrice RePairs Aidants et Aidforpoly