Il a beaucoup été question d’autonomie ces derniers temps. Qu’il s’agisse d’autonomie financière ou, à la conférence des métiers, du rapport de Denis Piveteau, autonomie, autodétermination et pouvoir d’agir sont revenus bien souvent sur le devant de la scène. Comment ne pas avoir une réaction d’inquiétude voire de découragement en évoquant nos enfants, quel que soit leur âge, face à ce diktat de pouvoir d’agir, eux dont les altérations semblent un démenti éclatant de toutes ces notions ?
Et pourtant.. On souligne depuis longtemps, dans le monde du handicap, ce passage « révolutionnaire » d’objet de soin à sujet de droit. Au point qu’on ne peut que difficilement dans certains endroits parler de soins et de problèmes de santé sans soulever un tollé. Comme si le handicap pouvait vous mettre à l’abri des problèmes de santé, comme si le sujet de la santé était obscène. Ce n’est qu’une conséquence éphémère du passage de la notion de protection du sujet, parfois au mépris de sa liberté, à la revendication d’une liberté qui se joue pour certains au mépris de leurs difficultés, de leurs limitations, parfois au détriment de leur sécurité et même de leur qualité de vie ?
La marge de manœuvre a des contours subtils qu’il est facile de franchir sans même s’en apercevoir…
Ce qui est le plus frappant dans cette formule, c’est plutôt le passage d’objet à sujet. Il ne s’agit pas bien sûr de décider pour que les choses adviennent mais de faire la part des choses entre la protection nécessaire et l’autonomie. Beaucoup d’entre nous se souviennent de ce que nous considérions il y a encore peu comme un déni d’humanité à l’égard des personnes polyhandicapées, pour qui il n’y avait rien à faire, oubliées, ignorées, qualifiées d’inéducables, "chosifiées" en quelque sorte...A présent on ne parle plus d’humanité mais de citoyenneté, le mot a-t-il plus de pouvoir ??
Aujourd’hui, au nom d’une liberté qui passe du concept à l’abstraction pure, au déni de réalité, certains parlent de fermer tous les établissements.
Comme le souligne Cédric Gicquel dans son billet d’humeur, l’inclusion ne se décrète pas. Elle se prépare et se négocie et pour beaucoup de nos enfants, elle passe par des établissements. Et si elle passe par le domicile, il faut qu’elle soit pareillement accompagnée par des équipes pluridisciplinaires et qu’elle puisse trouver ainsi sa juste place entre ses droits, ses capacités mais aussi ses limites, plus marquées chez les personnes polyhandicapées que chez d’autres. Car le domicile aussi peut être un lieu d’enfermement redoutable…
Et c’est bien cela la leçon à retenir, qu’il faut partir du terrain, de la personne et non pas de l’idéologie. Et s’efforcer d’articuler les deux, en prenant pour point de départ la personne, et ce que l’on peut discerner, avec son aide, de ses goûts, de ses désirs, de ses projets. Ce n’est qu’ainsi que l’autodétermination cesse d’être un privilège mais devient un droit pour tous, y compris pour ceux dont les capacités de décision sont les plus altérées.
Ce n‘est finalement que la transcription actuelle des notions que nous avons toujours défendues, le respect de la personne, son humanité profonde, quel que soit son état. Ce n’est même pas un droit mais une composante fondamentale, constitutive, de toute personne .
C’est aussi ce qui implique, comme Jean Yves Quillien, notre vice-président délégué, directeur de la plateforme polyhandicap Clairefontaine, le soulignait à la conférence des métiers, comme nous le défendions lors du « Grand 0ral» , des politiques publiques vraiment adaptées et convenablement financées : étude épidémiologique et diagnostic territorial faisant état des besoins et pas seulement des réponses, solutions d’accompagnement qui font encore gravement défaut dans les établissements comme à domicile, qualité qui n’est pas toujours au rendez-vous, faute de professionnels en nombre suffisant et suffisamment bien traités, et formations avec des budgets, des contenus et une technicité adaptés aux spécificités du polyhandicap…
Les élections approchent, qui sont un moyen de décider de la société que nous voulons ; et pas seulement les présidentielles mais aussi les législatives….
Marie-Christine Tézenas du Montcel
Présidente