Connaissez-vous cette curieuse impression d’irréalité qu’on éprouve quand une situation vous paraît par trop absurde et qu’on ne la maitrise pas ? Pendant que les politiques regardaient ailleurs, la situation se dégradait à bas bruit. Le feu qui couvait sous la cendre a explosé. Et l’incendie menace de faire rage, pendant que les pompiers terminent leur partie de belote… 

Où sont nos professionnels ? Comment les avons-nous laissés partir, eux qui sont maltraités depuis vingt ans à coup de blocage de points, de plans de formation insuffisants, d’horaires difficiles, de nombre insuffisant face à la tâche, d’encadrements débordés d’obligations administratives, de protocoles toujours plus contraignants ? Certes l’inéquité des accords de Ségur a été la goutte ultime, mais pas simplement car on voit bien que dans les hôpitaux la situation se dégrade pareillement… Nous fermons des places d’accompagnement, ils ferment des lits. Jusqu’où ? 

La question des salaires est première, prégnante, mais le malaise va bien au-delà, depuis des années, alors que mandature après mandature, le handicap a été grande cause, priorité… 

A l’heure où se profilent les bilans, que nous apporte le fait d’avoir fait partie des priorités du quinquennat, alors qu’aucune mesure d’urgence, aucune prise de parole, aucune réponse à nos courriers ne vient nous conforter, comme en témoigne notre vice-président délégué, Jean-Yves Quillien dans notre papier d’humeur ?  

Et pendant ce temps, face à des professionnels qu’on a réussi à démotiver, à dégouter, à démobiliser, d’autres tiennent encore bon ; je n’en veux pour preuve que le dernier colloque du GPF ou se sont montrés des talents, une humanité, une intelligence des situations remarquables. Vous étiez nombreux à le suivre, et à vous interroger avec nous sur ce que signifient l’autonomie, la citoyenneté pour les personnes polyhandicapées, sur le bien-fondé des nouveautés et leur fonctionnement et nous espérons que ce partage de réflexion et d’implication vous a rassérénés et fait du bien. 

Il reste des raisons d’espérer, et puis nous ne sommes pas seuls, la mobilisation de l’Uniopss, la pétition de l’Unapei qui est à près de 55 000 signatures et qu’il faut rejoindre… 

Parents, professionnels nous-mêmes, nous partageons les mêmes causes, les mêmes inquiétudes devant les drames humains qui se profilent, mais aussi les mêmes espoirs. Nous prenons chaque jour la mesure de la situation.  

Lundi prochain se tient un comité de pilotage avec les principales associations concernées, la ministre, les administrations centrales et la CNSA, en principe pour faire un bilan des réalisations du Volet Polyhandicap de la stratégie quinquennale de l’évolution de l’offre, Volet Polyhandicap qui comme vous le savez touche à son terme. Le bilan va aller bien au-delà. Nous ferons comme d’habitude notre maximum pour porter notre cause, le manque dramatique de places, la « fuite » des professionnels, même si les résultats tardent actuellement à apparaître. Cela ne modifie pas notre engagement. 

Pour reprendre la devise de Guillaume d’Orange, Il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer… 

 

                                                                                                                            Marie-Christine Tézenas du Montcel
                                                                                                                            Présidente                                                 
 

Le Comité de Pilotage Polyhandicap se déroulera le lundi 8 novembre prochain en présence de la Secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées, de la CNSA et de la Direction Générale de la Cohésion Sociale. Le GPF portera haut et fort les voix des personnes polyhandicapées, de leurs proches et de ceux qui les accompagnent, s'appuyant sur les nombreux témoignages que vous nous avez fait parvenir.

Dans l'attente de cette réunion sur laquelle nous fondons beaucoup d'espoirs et face à la situation critique que vivent les ESMS, le Groupe Polyhandicap France a lancé un appel au secours au Premier Ministre, M. Jean Castex, pour lui demander "[...] une intervention d'urgence afin d'arrêter cette hémorragie gravissime du personnel des établissements qui met en danger, parfois vital, les personnes polyhandicapées qui y sont accueillies, et leur famille."
 

Nous avons pour règle, au GPF, de commencer nos colloques par un temps de réflexion sur le sujet retenu,  cette année, sur ces grands thèmes que sont l'autonomie, l'autodétermination, l'inclusion et la citoyenneté dans le champ du polyhandicap.

Cette année c'est Fabrice Gzil, directeur adjoint de l'espace éthique d'Ile de France, qui nous livre une réflexion, philosophique certes, mais aussi empreinte d'une profonde humanité et façonnée par un regard à la fois objectif et, disons le, tendre.

Nous sommes très heureux de vous offrir ici, avec son accord, l'intégralité de son intervention.

Un pitch? 

Le polyhandicap, "[...] ne seraient plus dans ce contexte des exceptions, des cas particuliers.
Le problème ne serait plus de savoir comment adapter la règle générale du consentement éclairé dans ces situations.

Au contraire, on partirait de ces situations, de ces formes de vie, pour aller mettre à l’épreuve les conceptions de l’autonomie, de l’inclusion, de la citoyenneté proposées par les philosophes ou par les pouvoirs publics, afin que la conception qui est proposée de ces notions puisse, à la fin, parler à tout le monde et parler de tout le monde.

Des personnes polyhandicapées d’abord, mais aussi de leurs proches, des professionnels et des bénévoles..."