Nous avons été quelques-uns du GPF à avoir le plaisir et l’honneur d’y intervenir, notamment sur les enjeux et les défis du polyhandicap, ou de la place des personnes polyhandicapées dans notre société.

Convenons-en, s’il n’y a pas de vie minuscule, il y a une place minuscule. Bien trop petite. Certes la société inclusive prétend à juste titre changer le regard sur le handicap. Sur le polyhandicap aussi mais pour l’instant, la place qui nous est donnée, l’attention qui nous est portée sont largement perfectibles, qu’il s’agisse des personnes, des familles, ou des professionnels qui les accompagnent.  .

Aujourd’hui, on entend de plus en plus une définition qui donne une place équivalente, ou presque, à l’environnement et aux limitations fonctionnelles imposées par le handicap. On entend parfois des choses qui nous paraissent, à nous, incompréhensibles ; supprimez les facteurs environnementaux hostiles et vous supprimerez le handicap.
Malheureusement supprimer les marches devant un fauteuil roulant ne supprimera pas la nécessité du fauteuil. Elle aura simplement une action facilitatrice. Qui, d’ailleurs, facilitera aussi les évolutions des poussettes, des caddies, des personnes âgées, des accidentés momentanément dans le plâtre….

Ne pas aggraver les situations des personnes handicapées, ne pas créer de sur-handicap environnemental, faciliter leurs liens, leur communication, leur vie, c’est une évidence, hélas pas encore bien comprise par tous.

Mais nier la réalité du handicap, pour pénible qu’il soit, ne fera jamais avancer les choses. Projeter une vision valido-normée non plus. Il s’agit de ne rien nier, de ne rien déguiser.
Nos enfants, nos amis polyhandicapés, leurs familles ont une place. La leur. Qui ne se construit pas seulement sur la base de l’égalité avec autrui, mais se fonde sur une équité qui respecte leur différence, leurs attentes propres et leurs besoins spécifiques.

Est-ce si difficile d’accepter, de respecter la différence ? Handicapé, et alors ? Est-on moins humain pour autant ?

Cette question de refus de la différence va revenir très vite sur le devant de la scène avec la reprise des discussions sur la fin de vie. Il n’est que de voir le nombre d’amendements déposés dès la première lecture pour comprendre la complexité du sujet. Et si l’on peut penser que l’euthanasie pour soi-même est si difficile, que dire de la décision pour autrui ?
Surtout si cet autrui, vu à l’aune d’une comparaison absurde avec un personne prétendue valide, est différent.
Surtout si cette différence est connotée péjorativement.
Surtout si cette différence n’est pas reconnue, considérée dans cette fameuse égalité avec les autres qui parait si importante pour le droit de vote, pour la participation sociale, mais qui disparait brusquement dans les accès aux soins…

Ce n’est qu’à partir de cette reconnaissance, de l’acceptation de cette différence, quelle qu’elle soit, handicap, couleur, statut social, qu’on pourra construire une société vraiment inclusive, celle dans laquelle chacun aura sa place singulière, sans comparaison ni référence aux autres ; ces autres avec lesquels il pourra, enfin, construire un monde un peu meilleur, un peu plus équitable.

Un monde dans lequel il n’y aura plus de vie ni de place minuscule…




                                                                                                                                 Marie-Christine Tézenas du Montcel,
                                                                                                                                 Présidente GPF